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14 décembre 2017

Une circulaire ministérielle met fin à l’hébergement inconditionnel

LE MONDE | 13.12.2017| Par Maryline Baumard

Le ministre de l’intérieur, Gérard Collomb, et son homologue de la cohésion des territoires, Jacques Mézard, ont cosigné, mardi 12 décembre, une circulaire intitulée « Examen des situations administratives dans l’hébergement d’urgence ». Ces cinq pages, non encore publiées, que Le Monde s’est procurées, posent par écrit le dispositif de contrôle que le gouvernement veut mettre en place au sein de l’hébergement d’urgence.
Le 9 décembre, alors qu’elles étaient invitées pour une présentation en avant-première de ce texte coercitif, les grandes ONG concernées, se levant après la lecture d’une déclaration commune, avaient tourné les talons pour marquer leur désapprobation.
Loin de s’opposer par principe et de façon unilatérale à tout contrôle étatique du statut des étrangers, les grands acteurs de la solidarité (du Secours catholique à Emmaüs en passant par La Cimade, la Fédération des acteurs de la solidarité ou l’Entraide protestante), refusent, en revanche, d’y être associées, et estiment regrettable que ces opérations se fassent dans les lieux d’hébergement qu’elles gèrent.
Création d’équipes mobiles
En dépit de ces réserves, le gouvernement a décidé de persister et propose par ce texte de « bâtir localement un dispositif de suivi administratif robuste des personnes étrangères en hébergement d’urgence ».
Bien que cette circulaire prône en préambule le droit à un hébergement inconditionnel, MM. Collomb et Mézard y rappellent très vite que le Conseil d’Etat a réitéré « dans plusieurs décisions de principe que l’Etat n’était pas tenu d’assurer l’hébergement des personnes auxquelles une obligation de quitter le territoire [OQTF] avait été notifiée que pendant le temps strictement nécessaire à leur départ ou si leur situation relevait de circonstances exceptionnelles ».
L’instauration dans chaque département d’« équipes mobiles chargées de l’évaluation administrative des personnes hébergées » n’a donc d’autre but que de les mettre dehors. Ces cellules seront composées d’un ou de plusieurs agents des préfectures et de représentants de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) ; elles s’appuieront l’une sur l’autre pour travailler « sur les recensements des personnes présentes ».
La question des étrangers sans papiers
Passant rapidement sur les demandeurs d’asile et autres réfugiés, pour lesquelles elle propose des alternatives, la circulaire s’arrête longuement sur les « sans-papiers » pour qui « en l’absence d’admission au séjour possible, une mesure d’éloignement devra être rapidement notifiée ». Une fois l’OQTF établie, ces hommes et ces femmes recevront la « proposition d’un retour volontaire ou l’orientation vers un dispositif permettant le retour contraint ». Ce qui peut signifier une mise en rétention administrative.
Ce terme de « sans-papiers » est d’ailleurs faussement fédérateur puisque cette réalité recouvre aussi bien celui qui a bénéficié d’un titre de séjour à un moment (mais a cessé son renouvellement), que des familles dont un membre est légalement sur le territoire et les autres non, ou encore des parents sans papiers ayant des enfants nés en France.
Pour l’heure, c’est le statu quo qui prévaut
Comme l’observent de nombreuses associations, la plupart de ces personnes ne sont pas expulsables en l’état du droit, ou compte tenu de la difficulté d’obtenir des laissez-passer consulaires en provenance de leur pays.
Si Gérard Collomb a le souhait de faire bouger toutes ces lignes, c’est pour l’heure le statu quo qui prévaut. Aux yeux de nombre d’observateurs, la circulaire risque donc de mettre surtout à la rue des personnes vivant depuis des années sur le territoire français. A moins qu’un hébergement citoyen (qu’on sent poindre pour loger des déboutés de l’asile) ne prenne le relais, le risque de création de squats et de bidonvilles est élevé.
A la veille de la publication de la circulaire, bon nombre d’associations ont déjà fait savoir qu’elles ne seraient pas de celles qui conduiraient les familles vers les centres de rétention et qu’elles sont largement conscientes du risque de sanction financière à leur encontre de la part de l’Etat.
Aujourd’hui, leurs juristes sont à l’œuvre, étudiant les voies de recours possibles, du juge administratif, à la Commission nationale de l’informatique et des libertés, en passant par une saisine du Défenseur des droits.